Chroniques de Buenos Aires : Cry For Me Argentina

19.02.15
Par LRC
peron

Le 18 janvier 2015, le procureur Alberto Nisman était retrouvé dans sa salle de bains, un balle en pleine tête et un calibre 22 sur le sol. Le procureur enquêtait depuis quelques années sur un traffic d’influence avec l’Iran mettant directement en cause la présidente Argentine, Cristina Kirchner, ainsi que son ministre de la Justice. Les deux sont accusés d’avoir couvert un attentat iranien, ayant causé la mort de 85 personnes à l’institut Israelite de Buenos Aires, afin d’obtenir des faveurs commerciales du pays des Mollahs.
Le procureur avait déjà ébauché l’acte d’accusation permettant de convoquer la présidente et prétendait détenir des enregistrements téléphoniques destructeurs pour le gouvernement…
Depuis les médias argentins se déchainent. La thèse initiale du suicide ne tient pas bien longtemps. On apprend que les services secrets auraient surveillé de très près le procureur. Un des barbouzes chargé de le surveiller est depuis porté disparu. On est en plein John Le Carré…
Depuis les argentins manifestent pour connaitre la vérité de ce qui devient une véritable saga judiciaire, révélant les nauséabondes coulisses de la politique Argentine, ou le sentiment de totale impunité exaspère de plus en plus la population.

Ce climat délétère ambiant est la marque de la jeune démocratie argentine : inefficace et corrompue à tous les échelons de l’administration. Une corruption souvent ordinaire : on remet quelques pesos à un fonctionnaire pour oublier une infraction ou obtenir une papier un peu plus vite. L’économie parallèle prospère, basée sur la débrouille, le troc, les petits trafics mais aussi les solidarités familiales et les initiatives de développement local.

Il faut dire que la politique Argentine est assez unique. A l’inverse de la plupart des démocraties, il n’y pas de droite et gauche au sens traditionnel du terme, de conservateurs et de progressistes, mais plutôt des nuances de péronisme.

Venu au pouvoir lors du coup d’état militaire de 1943, Juan Perón représente la frange du gouvernement qui s’appuie sur le mouvement ouvrier naissant, en opposition aux militaires qui sont alliés aux traditionnels grands propriétaires terriens. Poussé à la démission puis arrêté, Perón est libéré peu de temps après. Il est libéré à la suite de manifestations importantes, appuyées par la puissante CGT. Il est élu en 1946 président de la république Argentine.

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Le péronisme devient un mouvement global, qui vise à transformer la société à tous les niveaux. Un alliage assez étrange de culte du chef, de voie entre capitalisme et communisme, d’économie planifiée, de redistribution sociale, de bureaucratie galopante et d’une politique étrangère hostile aux USA. Sa femme Evita Perón devient légendaire : elle va amener le droit de vote des femmes et incarner le visage de la politique sociale de son mari en subventionnant écoles, crèches, hôpitaux à travers une fondation publique au budget pharaonique. Sa condition initiale modeste la rendra iconique auprès des ouvriers et de la classe populaire argentine, qui voit en elle le symbole de la libération des classes modestes. Le pays connait rapidement les mêmes maux que ceux qui l’accablent aujourd’hui : une crise économique touche de plein fouet un tissu industriel affaibli par des plans quinquennaux irréalistes, une infrastructure déliquescente et une bureaucratie tentaculaire.

Perón est déposé en 1955 à la suite d’un putsch ou s’allie milieux d’affaires, nationalistes et catholiques conservateurs. Il partira en exil pendant presque 20 ans avant de revenir brièvement aux affaires en 1973 alors que l’état du pays s’est encore aggravé.
Plus de quarante ans plus tard après sa mort, la plupart des candidats à la présidentielle, qui se déroulera fin 2015, se réclament du péronisme. Le nom est désormais un peu fourre-tout, on y retrouve des candidats très à gauche prônant des nationalisations massives comme des libéraux élevés à la tétine de l’école de Chicago.

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Après des années 90 dorées ou le pays emprunte massivement et connait une force croissance alimentée par une spéculation financière et immobilière, l’économie crashe définitivement et le pays est considéré en faillite en 2013.
Il a pourtant tout pour réussir : un système éducatif assez performant, une alphabétisation achevée bien avant son voisin brésilien, des ressources énergétiques importantes… Mais la corruption à large échelle, et le manque de vision politique de l’élite au pouvoir empêchent le développement. Une gabegie qui aujourd’hui atteint de tels sommets que les citoyens se désintéressent totalement de la politique. Ils se rendront quand même aux urnes le vote étant obligatoire…

Pendant ce temps le peuple argentin se débrouille pour survivre dans un état en état de faillite permanente, miné par une inflation à deux chiffres et une dette qui ne sera sans doute jamais remboursée. La grèce de l’amérique du sud… Péroniste pur jus, Cristina Kirchner allie une incompétence confondante à un cynisme assez inquiétant. Ses constantes diatribes anti-américaines et contre les “ennemis de l’intérieur” sonnent comme un aveu d’échec. Elle semble prêt à beaucoup pour conserver le pouvoir jusqu’à la fin.

Jusqu’à faire assassiner un procureur gênant ? nisman
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