Au soleil redouté d’Afrique, dans le feu des armes et à l’ombre de la violence, le Mali s’égare et se perd sous le regard altier d’un de ses fils. Fervent défenseur de la justice et la paix Salif Keita doit se morfondre d’entendre son chant haché par les rythmes des salves d’AK47…

Lui, naît de haute lignée, descendant direct d’empereur, ne fut pas sans connaître l’adversité qu’aime réserver l’Histoire à ses enfants bénis de la destinée. Si le sang royal coule en lui, facétieuse Dame Nature l’a privé de tout pigment. Albinisme, rareté, étrangeté, qui équivaut à un tatouage de sorcellerie dans l’imaginaire africain et un sort peu enviable aux albinos… Empêché de devenir instituteur pour une mauvaise vue, le chant et la tradition du savoir oral des griots seront plus qu’un substitut, un substrat… Mal lui en a pris, « un griot dans une lignée princière ? », ce sera le rejet de sa famille.

Depuis il a eu la carrière et le succès qu’on lui connaît, jouant avec les plus grands sans rien renier de ses engagements citoyens et politiques. Parfois remixé, faisant les succès des dancefloor, Salif Keita a voulu boire à la source de l’électro, portant ses propres lèvres au calice du numérique. Faisant appel à Philippe Cohen Solal, un des musiciens derrière Gotan Project, génial producteur du label Ya Basta, le prince griot n’aurait su trouver meilleur troubadour des curseurs.

« J’avais envie de faire groover mon identité africaine » nous dit Salif Keita. Autour de son duo avec le producteur français, viendront se greffer en guest le sax de Manu dibango, le chanteur Roots Manuva, les voix jazzy de Bobby McFerrin ou Esperanza Spalding et même un sample des B52’s… Excellent album qui n’empêchera pas quelques esprits chagrins de s’interroger. Le musicien a-t-il perdu son âme dans le mirage du numérique ? « Même si un sac de piment est vide, il y a toujours de quoi faire éternuer » aime dit-il à dire citant un dicton local. Le griot sans pigment ne manque pas de piment…

Salif Keita « Talé » (2012, Universal)

“C’est Bon, C’est Bon” (feat Roots Manuva)

“Samfy”

“Simby”(feat Bobby McFerrin)