L’USURE DU MONDE

22.09.14
Par Max Flash
Robert Ronan Années 80, Robert Ronan photographie le Bronx, ses photos dressent le paysage typique des grandes cités du siècle, abandon, misère, ruines, un vrai paysage de guerre, identique aux villes bombardées ou en proie à des guerres civiles, où survivent des populations hagardes, culturellement déplacées, réfugiés de l’intérieur, véritables migrants sociaux qui vont servir de cobayes aux futures expérience du monde à venir. Rétrospectivement cela paraît incroyable de laisser au cœur de la capitale des capitales une telle friche qui va donner le La dans tous les récits sur la modernité, dans le nouveau rapport au monde qui se met en place. Le décor ressemble à une vieille toile peinte de studio dont on devine très vite la présence, l’artifice mais qui revient toujours comme une musique lancinante, celle de l’impasse, du délaissement, de la solitude. Le Bronx est un des acteurs majeur de la mise en scène du nouveau spectacle de la vie, ses images ont enfanté un monstre urbain qui hante toujours les allées du pouvoir, le territoire non pas libre ni libéré, bien pire, le grand désert où plus personne ne s’aventure, hostile, incontrôlable, meurtrier, peuplé de populations dont plus personne ne parle la langue, aux coutumes étranges et violentes, sans médiateurs repérables et qualifiés, bref la sauvagerie à l’œuvre. La ville elle même est devenue un déchet, ainsi que ses habitants, un rebut sans importance, un simple spectacle que l’on traverse et qui baigne films, séries TV, reportages, ce paysage s’est imposé comme une des principales vanités du moment et hante depuis les inconscients collectifs de son sentiment d’angoisse et d’impermanence. Il va être utilisé comme métaphore du sentiment de perdition qui imprègne la société américaine, travaillée par le doute et la culpabilité, image d’un naufrage social qui va cristalliser les haines, la séparation, la chute, peuplé de personnages tout aussi ravagés, désertiques, solitaires aux impulsions rédemptrices meurtrières, véritable théâtre d’ombres de marionnettes caricaturales. de-niro De Niro, guerrier solitaire, de retour d’une autre guerre, dans Taxi Driver, film de Martin Scorcese de 1974. Ces séries photographiques dégagent aujourd’hui un sentiment d’irréalité, la distance historique ne fonctionne pas ou alors comme un abîme, une impression de moyen-âge englouti dans la catastrophe venue d’ailleurs, de plus loin, pire que le pire qui avait été imaginé, l’effondrement a bien eu lieu mais pas du tout là où on l’attendait, là où tous les signes le désignaient. ronan All photos Robert Ronan
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Un commentaire

    1. Juanito le :

      Très intéressant, je ne connaissais pas le photographe, d’autant que ce fut aussi un un terroir d’une contre culture riche de diverses formes artistiques: le hip-hop. Et nous le hip-hop on adore à UM! :-)

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