Paris By Night

20.12.10
Par Juanito
paris

La photo en illustration ci-dessus est un superbe cliché de paris (le pont Alexandre III) datant de 1900 que l’on doit à William Henry Goodyear (fils de…) Je ne sais pas quelle technique a été utilisée pour restituer la couleur mais le résultat donne un cachet de toile de grand maitre. Photo extraite des archives du Brooklyn Museum

Coup de projecteur sur une étude fort intéressante La Nuit à Paris, état des lieux et tendance 2000-2010. Sur un tel sujet, on s’attendrait plutôt à un article d’un journal branché ou un guide de survie à l’usage d’une faune aux pupilles trop dilatées sous les lumières de Paris…

On doit le travail à l’APUR (atelier parisien d’urbanisme) un conglomérat de neurones phosphorant sur l’aménagement urbain de la capitale. Des gens fort savants, gage du sérieux de l’étude. Et si la ville est un objet social en général très étudié dans sa géographie et ses respirations urbaines diurnes (métro-boulot-dodo), ses exhalations nocturnes se réduisent à la part d’ombre de l’observation. C’est tout l’intérêt de cette étude illustrée d’une cartographie originale des activités par tranche horaire.

Les auteurs mettent en évidence six fonctions nocturnes d’une grande ville.
La ville de garde : c’est l’état de veille des fonctions vitales (hopitaux, sécurité…) dans l’attente de canaliser et soigner les bobos des excès des nuits parisiennes…
La ville festive : sa cartographie laisse apparaître de forte concentration dans des quartiers biens connus des fêtards, les Champs Elysées, Les Halles, le Marais, Pigalle, le quartier latin… Ce sont cinémas, théâtres et restaurants mais aussi le Paris libertin… Ce sont surtout les restaurants, bars et boites qui se sont le plus développé au cours de la dernière décennie avec pour corollaire les conflits d’usage découlant de l’interdiction du tabac poussant sur les trottoirs une faune de braillards éclatés…

La ville marché : on compte un bon millier d’épiceries ouvertes tard, elles sont cependant en baisse de 20% sur la décennie alors que dans le même temps les nouvelles supérettes aux horaires tardifs (Monop’ Carrefour City…) sont passé de 2 en 2003 à une trentaine. Point intéressant, l’APUR note le déclin des distributeurs automatiques de nourriture, hérésie consumériste d’une mode culinaire qui n’a heureusement pas pris.

La ville des coulisses : entretien des réseaux, nettoyage, livraisons… Indispensables armées des ombres afin que brille les feux de la rampe d’une ville se donnant en spectacle.

La ville qui dort : enfin quand elle n’est pas dérangée par la ville festive…

La ville des marges : celle des marges de la société, le monde des sans abris, des prostitués et du trafic. Un axe peu développé dans l’étude, on comprend les auteurs qui ont dû payer de leur personne avec les études « terrain » du paris festif… Au-delà, peut-être ont-ils eu quelques scrupules déontologiques…

Une vie nocturne largement transe-portée par le réseau des bus noctiliens et des vélib’ (les cartes entre 2h et 4h montrent encore une bon usage du vélo) et pas seulement le we.

L’étude n’est peut-être pas révolutionnaire pour qui connaît les nuits parisiennes, elle pose seulement quelques éclairages intéressants d’un espace temps baigné d’obscurité. La nuit urbaine est un archipel, au crépuscule les flots nocturnes recouvrent les terres laissant émergé quelques îlots où s’échouent les éméchés. Pour qui veut nager en eau trouble, vous avez désormais toutes les cartes en main pour savoir, la nuit venue, où vous restaurer, vous enivrer, festoyer et plus si affinité…

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7 commentaires

    1. mademoiselle velvet le :

      Pour la restitution des couleurs, l’utilisation de la fécule de pomme de terre fût exploitée très tôt au début du XXème siècle. Il s’agit peut-être ici de cette technique, pour cette très belle photo d’un Paris by night.

    2. Juanito le :

      Merci de cet éclairage historique Mademoiselle Velvet

      Maintenant que tu m’y fais penser, moi aussi petit j’utilisais de la pomme de terre pour faire de la couleur, coupée en cube que l’on trempait dans la peinture pour application sur une feuille…

      C’était moins technique, pas forcément artistique mais très rigolo !!

    3. mademoiselle velvet le :

      :)… la technique de la pomme de terre en cube est certes moins élaborée que celle des maîtres Lumière mais pas dénuée d’intérêt créatif pour grands et petits rêveurs.
      Et pour compléter le dossier… ;)
      http://www.institut-lumiere.org/fra

    4. Juanito le :

      Tu as raison le cubisme de la fécule n’est pas antinomique de la création, peut-être aurais-je dû poursuivre dans la patate…

      Merci pour ce lien très complet et instructif… La photo datant de 1900, juste avant le procédé des Lumières en 1903, elle a peut-être était réalisée avec des filtres (je crois que le site du Brooklyn Museum y fait référence), l’ancienne technique utilisée auparavant qui nécessitait de longue durée d’exposition d’après l’article.
      Or une trace lumineuse sur la Seine à droite de la photo laisse à penser qu’un temps d’exposition long fut utilisé…

    5. mademoiselle velvet le :

      … Les découvertes, les idées fusaient et s’entrechoquaient à l’époque. Alors sur la technique utilisée Juanito, le mystère reste entier.
      A suivre…

    6. Juanito le :

      C’est tout le cachet de ces clichés, un flou artistique et une aura de mystère…
      En tout cas merci pour tes info sur l’histoire de la photo couleur (très intéressant) et ta réhabilitation artistique de la pomme de terre ! Nous regarderons tous la prochaine patate dans notre assiette d’un autre oeil…
      Respect

    7. BioHazardBoy le :

      Et n’oublions pas le tampon encreur sculpté dans la tranche d’une demi patate !
      Encore un article ouvrant les horizons d’UM, son “champ de compétences”. Intéressante étude. Je me demandais si finalement la “ville des coulisses” n’était pas qu’une émanation de la maintenance-logistique des trois premières activités. Merci pour le cliché. également.

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