En 1968, Lalo Schifrin est un homme comblé, au sommet de son art, il est reconnu de ses pairs et du public. Cette même année, il signe les BO de “The Fox” et “Bullit”, après avoir bouclé il y a peu celle de “Luke la Main Froide”… Si Lalo est très sollicité par le monde du cinéma, il n’a jamais renoncé à une carrière solo et à sa liberté de création, à commencer par son “Piano, Strings and Bossa Nova” sorti en 1962.

Cet argentin, qui fut compagnon d’Astor Piazolla au conservatoire de Paris et arrangeur pour Dizzy Gillespie, est un musicien pétri d’influences osant les métissages. Oeuvrant dans l’ombre de ses BO à succès il sort en 1968 “There’s a Whole Lalo Schifrin Goin’On”, pêché de groove, Eden d’une partition oubliée, graal tant convoité des amateurs de vinyle, enfin réédité…

Lalo, qui est en position de force face à sa maison de production, l’immense succès de la série Mission Impossible aidant, négocie une totale liberté artistique. L’argentin compose une œuvre iconoclaste, fleuretant entre parfum second degré et effluves expérimentales, Lalo délire et ose ce que ne lui permettent pas les contraintes des commandes de BO, ainsi sur “Life Insurance”, il fait scander aux chœurs les clauses d’un contrat d’assurance vie que l’on a essayé de lui refiler… Il revisite les musiques de ses contemporains dans une partition mélodieuse et tonitruante, une composition métissée et racée, une œuvre inspirée aux arrangements foisonnants.

Bien que le morceau “Secret Code Synthesizer” fut aussitôt repris par les producteurs de Mission Impossible, l’album n’a rencontré qu’un succès mitigé à sa sortie, trop dansant pour les uns ou trop expérimental pour les autres… Avec le temps, décantent les modes et déchantent les succès d’un été, mais cette partition fantôme aux effluves psychédéliques et aux rêves secrets de grand écran, est devenue une œuvre culte.

Lalo Schifrin « There’s a Whole Lalo Schifrin Goin’On » (1968, Universal Music)

“Secret Code Synthesizer”

“Machinations”

“Life Insurance”

“Gentle Earthquake”